Par Joëlle Roche
Le terme PCR est maintenant largement utilisé dans les médias pour le diagnostic de la COVID-19 et on pourrait penser que la PCR est dédiée uniquement à la détection du virus SARS-CoV-2.
En fait, le sigle « PCR» désigne une technique mise au point par Kary Mullis en 1988 et qui a valu à son auteur le prix Nobel de chimie en 1993, à l’âge de 49 ans. En effet, ses applications ont révolutionné la biologie moléculaire ! La PCR a été rendue possible par la découverte d’une enzyme qui permet la synthèse de l’ADN (ADN polymérase) en résistant à de hautes températures. Cette enzyme a été isolée à partir de bactéries vivant dans les eaux chaudes des geysers : une application inattendue de la recherche fondamentale ! La PCR est largement utilisée en biologie qu’elle soit humaine, animale, végétale, ainsi qu’en microbiologie. Elle a de très nombreuses applications qu’il est impossible à citer de manière exhaustive : tests de paternité, généalogie, criminologie, cartes d’identité des tumeurs, diagnostic, détection de virus…
PCR est l’abréviation en anglais de « Polymerase Chain Reaction » ou réaction de polymérisation en chaine (a). Cette technique consiste à amplifier de façon enzymatique et exponentielle une courte séquence d’ADN à partir d’un prélèvement. Cette séquence doit être spécifique de la cible à tester. Elle consiste à réaliser, dans un même tube, plusieurs cycles constitués chacun de trois étapes (figure 1) :
- Une phase de dénaturation de l’ADN contenu dans le prélèvement à tester : celle-ci consiste à séparer à haute température (90°C) les deux brins complémentaires de l’ADN.
- Une phase d’hybridation de deux amorces d’ADN synthétiques constituées de courtes séquences d’ADN de synthèse (20 à 25 nucléotides) qui s’apparient respectivement à chacun des deux brins d’ADN matrice. La température doit être fixée de façon à ne favoriser que les hybridations entre chaque amorce et la séquence complémentaire cible du brin d’ADN matrice (50 à 60°C). Le choix des séquences des amorces et de la température d’hybridation sont cruciaux pour la spécificité de la PCR.
- Une phase d’élongation à 72°C qui permet la synthèse d’ADN à partir de chaque amorce au moyen d’une enzyme ADN polymérase thermostable. En effet, cette enzyme doit résister à la température de 90°C de l’étape 1 des cycles suivants.

Ces trois étapes sont répétées 25 à 40 fois et, à chaque cycle, la quantité d’ADN est doublée. Après n cycles, la quantité d’ADN obtenue est de 2n. La PCR permet ainsi de détecter des quantités très faibles de la cible à tester dans un échantillon biologique. Le temps nécessaire pour réaliser une PCR est d’environ une heure.
Une amélioration de la PCR classique est la PCR quantitative en temps réel (qPCR) qui permet de mesurer la quantité d’ADN polymérisé à chaque cycle grâce à un marqueur fluorescent.
Dans le cas de l’utilisation de la PCR pour le diagnostic de la COVID-19, une étape supplémentaire doit être réalisée avant de la mettre en œuvre. En effet, le génome du SARS-CoV-2 est constitué non pas d’ADN mais d’ARN (acide ribonucléique). A partir du prélèvement nasal, il faut donc transformer l’ARN en ADN par une réaction enzymatique. La rétrocopie de l’ARN suivie de la PCR s’appelle une RT-PCR. Une RT-PCR quantitative en temps réel (qRT-PCR) est réalisée pour permettre l’amplification de trois gènes du virus SARS-CoV-2 : E, RdRp, et N (b, c).
La PCR est donc une technique rapide et fiable. De plus, elle est très sensible et permet de détecter des traces de virus. Elle nécessite cependant du personnel spécialisé, des plates-formes techniques, des appareillages (thermocycleurs et systèmes d’analyses). La fiabilité du test PCR pour le diagnostic de la COVID-19 dépend de la qualité du prélèvement nasal, du moment du prélèvement, de la qualité de la manipulation des échantillons. Bien que rapide, cette technique a des limites actuellement dans le rendu des résultats suite à des problèmes logistiques (acheminement des échantillons) et à l’engorgement des laboratoires spécialisés. Elle reste cependant le test de référence.
Depuis début novembre, des tests antigéniques beaucoup plus faciles à mettre en œuvre et qui ne nécessitent pas de plates-formes techniques deviennent disponibles (d). Ils se font, comme les tests PCR, sur prélèvement rhino-pharyngé. Ils sont basés sur une réaction antigénique (type ELISA) entre une protéine du virus SARS-CoV-2 et un anticorps spécifique de cette protéine. Un résultat positif se traduit par une bande colorée sur le support de réaction. Ces tests permettent d’avoir un résultat dans les 30 minutes après le prélèvement. Néanmoins, ces tests sont nettement moins sensibles que la PCR et l’efficacité de la détection des antigènes viraux semble corrélée à la charge virale. Il existe une grande hétérogénéité en matière de sensibilité/concordance positive au sein de 14 études retenues par la Haute Autorité de Santé (HAS) (d). De plus, à la date du 8 octobre 2020, il y avait absence de données relatives à l’utilisation de ces tests pour des patients asymptomatiques. La HAS a alors préconisé de n’utiliser les tests antigéniques que sur les patients symptomatiques jusqu’à 4 jours inclus après l’apparition des symptômes (tableau 1). En fonction de la disponibilité des données cliniques, cette position sera réévaluée très rapidement.

Références :
(a) https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9action_en_cha%C3%AEne_par_polym%C3%A9rase#Historique
(b) Ens-paris-Saclay « Comment fonctionnent les tests de dépistage du Covid-19 ? », 7 avril 2020. https://ens-paris-saclay.fr/actualite/comment-fonctionnent-les-tests-de-depistage-du-covid-19.
(c) https://covid-19.sante.gouv.fr/tests
(d) Haute Autorité de Santé (HAS) : Revue rapide sur les tests de détection antigénique du virus SARS-CoV-2. Validée le 8 octobre 2020. https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2020-10/synthese_tests_antigeniques_vd.pdf
Bonjour et merci pour un éclairage plus complet sur les
différents tests. Je fais circuler ces informations et plus
encore sur votre association.
Bonjour Joelle,
Bravo pour cet article très clair et efficace.
Merci
Bonne continuation