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Les vaccins pour traiter le Covid-19

Par Rémi Kohler

Le 9 novembre dernier, le géant pharmaceutique américain Pfizer et son partenaire allemand BioNTech ont annoncé que leur vaccin en cours de développement, administré en deux injections à 3 semaines d’écart, était efficace à 90 %, (cad qu’une personne exposée au virus ayant reçu ce vaccin a 90 % de chances de plus de ne pas tomber malade qu’une personne non vaccinée), un taux jugé excellent, bien supérieur à celui du vaccin contre la grippe.

Ces résultats ont été obtenus lors des essais de phase III, lancés il y a 3 mois (La phase III consiste à évaluer à grande échelle si le vaccin est bien toléré et protège de la maladie). Voici une bonne nouvelle, en pleine 2ème vague pandémique : le monde –et la France- devraient bientôt disposer d’un vaccin….

La communauté scientifique ne boude pas son plaisir mais attend de voir la suite : elle ne pourra vraiment se prononcer qu’après la publication des données détaillées dans une revue scientifique (pour l’instant ce n’est qu’un communiqué de presse). En effet, si ces résultats semblent très encourageants, beaucoup de questions restent en suspens, tenant compte d’une phase III assez courte : quels seraient la durée de l’immunité post-vaccinale, les niveaux de protection selon les groupes de patients, les effets secondaires éventuels ?

Protégeront ils seulement contre la survenue des symptômes de la maladie ou également contre la transmission du virus ? Par ailleurs, il existe des contraintes techniques (nécessaire stockage des doses à -70°C) et une interrogation sur la capacité à produire ce vaccin en grandes quantités, obstacles relatifs à sa diffusion (et sans encore aborder à ce stade la question de son coût).

Le candidat de Pfizer et BioNTech sera ainsi le premier « vaccin ARN » jamais approuvé pour l’homme. Cette technologie nouvelle, dite de l’ARN messager, consiste à injecter dans l’organisme des brins d’ARN messager (l’intermédiaire entre ADN et protéines), qui permet la synthèse directe de protéines par la cellule qui générera la production d’anticorps. C’est l’une des voies de recherche d’un vaccin contre le coronavirus, inédite et prometteuse .

https://www.futura-sciences.com/sante/actualites/coronavirus-fonctionne-vaccin-arn-84148/

Mais si Pfizer – BioNTech sont les premiers à publier des résultats positifs pour des essais cliniques à grande échelle, ils sont loin d’être les seuls :

l’OMS a recensé 47 candidats-vaccins, dont 11 en essais cliniques de phase III (ce sont 4 chinois, 1 russe « Spoutnik », 1 indien et 5 occidentaux)

Parmi ceux-ci, celui de Moderna (qui vient à son tour de sortir, avec une efficacité comparable) est fondé sur la même technique de l’ARN messager ; ces vaccins à ARN devancent désormais leurs concurrents à « vecteur viral », plus complexes à fabriquer ; ces vaccins contiennent un virus vecteur dont le génome est modifié pour lui faire produire des protéines du SARS-Cov-2.

Voir ci-après les annexes 1 et 2 :

  • «Tout comprendre sur les différents vaccins » par N. Vuidez
  • « Les 11 vaccins en phase III des essais cliniques » (C. Aebberhardt et C. Hecketsweiler » Le Monde du 15-16 novembre 2020

Qu’il s’agisse du candidat vaccin de Pfizer, de Moderna , ou d’un autre, la Commission Européenne table sur un premier vaccin disponible début 2021.. La HAS (Haute Autorité de Santé ) doit publier sous peu des règles de stratégie vaccinale… Se posera alors la question de l’acceptabilité de cette vaccination, un autre enjeu majeur, d’autant qu’elle ne sera pas obligatoire.

Bref, cette perspective de vaccination prochaine est un réel espoir pour prévenir (voire éradiquer) cette maladie, contre laquelle i l n’existe pas à ce jour  d e traitements (autres que symptomatiques). L’arrivée sur le marché de ces vaccins, moins d’une année après le début de la pandémie est un véritable exploit. Prudence et patience s’imposent toutefois : les autorisations administratives (en attente de résultats complémentaires) et la distribution des doses à l’échelon européen ne devraient pas permettre r une large vaccination avant le printemps, et son efficacité pleine et entière ne se fera sentir qu’à l’automne 2021.

Il est donc essentiel de ne pas relâcher nos conduites et gestes barrières (en particulier le port du masque, la distanciation , la réduction des contacts dans la sphère privée..) d’autant que la défervescence de la « deuxième vague » n’est encore que timide, avec des hôpitaux toujours en tension et une circulation du virus qui reste élevée (en Auvergne- Rhône –Alpes particulièrement) . Sans pessimisme excessif, il ne faut pas exclure une possible 3ème vague…les mêmes causes reproduisant les mêmes effets !!!!

ANNEXE 1 : NICOLAS VIUDEZ, Industrie Pharma, 16/04/2020

 Coronavirus : tout comprendre sur les différents vaccins en développement

 Virus inactivés, protéines virales, vaccins à ARNm ou à ADN… Alors que les annonces des laboratoires se multiplient sur le développement d’un vaccin contre le nouveau coronavirus, quelles sont les différentes stratégies pour parvenir à amener un vaccin sur le marché ? La course aux vaccins est lancée. Sanofi, GSK, Johnson & Johnson, les géants de la pharma n’ont pas tardé à réagir à la pandémie en annonçant développer un vaccin. De nombreuses biotechs ont aussi répondu à l’appel telles que Moderna Therapeutics ou encore les laboratoires allemands BioNTech ou CureVac. Si le vaccin dans sa forme traditionnelle est toujours développé, de nouvelles stratégies de vaccination émergent.

Le point sur ces différentes stratégies de vaccination, leurs avantages, leurs inconvénients et leur date d’arrivée sur le marché.

1)      Le vaccin à partir de virus inactivé

Quoi ? C’est la forme la plus traditionnelle de vaccination. Le virus, isolé, est inactivé au moyen d’un traitement chimique qui lui fait perdre toute agressivité. Le virus est ensuite injecté dans l’organisme pour faire réagir le système de défense immunitaire et produire des anticorps capables de reconnaître le virus. Des adjuvants sont par ailleurs souvent utilisés pour stimuler la réponse immunitaire face au virus inactivé.

Les pour et contre : La technique de fabrication est déjà connue et maîtrisée, la production à grande échelle pourrait être assurée partout dans le monde. « Ce type de vaccins entraîne généralement une forte réponse immunitaire », souligne Bruno Pitard, directeur de recherche CRCINA, Inserm1232/CNRS ERL 6001 et co-fondateur d’In-Cell-Art. Cette technique serait ainsi plus efficace pour les personnes âgées, dont le système immunitaire est moins réactif. Des questions se posent du côté de la production et de l’approvisionnement « La production prend beaucoup de temps, de six mois à un an et ces vaccins doivent être transportés à basse température avec une chaîne du froid à respecter », détaille Bruno Pitard.

Qui ? De nombreux laboratoires chinois se sont déjà lancés sur ce type de vaccins. Ainsi Sinopharm a annoncé, mi-avril, avoir reçu les autorisations pour démarrer des essais cliniques de phase II chez l’homme, en Chine.

 

2)      Les protéines virales

Quoi ? Le coronavirus possède à sa surface des pointes (désignées en anglais sous le terme de Spikes) qui vont l’aider à entrer en contact avec les cellules à infecter. Ces pointes sont des protéines virales qui ont été désormais isolées en laboratoire. Elles peuvent être fabriquées et injectées pour faire réagir les anticorps à ces molécules étrangères. Le système immunitaire sera alors capable de se défendre, s’il rentre à nouveau en contact avec ces protéines virales.

Les pour et contre : Contrairement aux virus inactivés, les protéines virales isolées ne représentent aucun risque pour l’organisme. Ce type de vaccin est déjà connu et étudié puisqu’il a par exemple déjà été utilisé contre l’hépatite B ou contre le papillomavirus. La production est maîtrisée, elle peut se faire à grande échelle et plus rapidement que pour un vaccin traditionnel. Dans les inconvénients recensés, les protéines peuvent ne pas engendrer une réaction suffisante du système immunitaire et un adjuvant est alors nécessaire pour augmenter l’efficacité. « En fabriquant de manière industrielle, le risque est aussi de se retrouver avec un produit final qui n’est pas exactement une copie conforme de la protéine virale initiale », souligne également Bruno Pitard. Avec comme conséquence d’obtenir un vaccin moins efficace. Enfin, ces vaccins nécessitent aussi d’être stockés et transportés à basse température.

Qui ? Novavax ou encore Clover pharmaceuticals ont été les premiers à se positionner. Mais plus récemment, ce sont les géants Sanofi et GSK qui ont opté pour cette stratégie. Les deux laboratoires unissent leur savoir-faire en matière de production de protéines virales (Sanofi) et d’adjuvants (GSK).

 

3)      Le vaccin à ADN et à ARNM

Quoi ? Et si, au lieu d’injecter des protéines virales ou un virus inactivé, les cellules du corps humain fabriquaient elles-mêmes ces molécules ? Tel est le principe du vaccin à ADN ou à ARNm, qui transforme les cellules en usine à vaccins. Concrètement, un fragment d’ADN synthétique qui code pour des protéines virales est amené à l’intérieur de la cellule. Une fois pris en charge, ce fragment va être transcrit sous forme d’ARNm qui est utilisé comme plan d’assemblage pour produire des protéines, relâchées ensuite dans l’organisme. Le système immunitaire va réagir à ces antigènes et produire des anticorps qui seront par la suite capables de reconnaître les protéines du coronavirus. Dans le cas du vaccin à ARNm, ce n’est pas un ADN mais directement un ARNm synthétique qui est acheminé jusqu’à la cellule.

Les pour et contre : Cette technique n’utilise aucun adjuvant. Comme pour les protéines virales et contrairement au virus inactivé, les molécules en circulation ne correspondraient qu’à une partie du virus et ne seraient pas pathogènes pour le corps humain. « Il n’y a pas besoin de conditions particulières de stockage, les vaccins à ADN peuvent être conservés à température ambiante ,mais pour l’ARN, conservation à -70°C », souligne par ailleurs Bruno Pitard. Une caractéristique importante pour une distribution à grande échelle, dans les pays en voie de développement donc pas applicable pour vaccin à ARN. Cette technique est aussi la plus rapide pour la production du vaccin, grâce à une méthode standardisée. Mais les défis restent cependant nombreux. Le vaccin à ARNm ou à ADN est encore en phase d’étude et n’a pas encore montré son efficacité chez l’homme. « Cette technique est la plus prometteuse, mais de loin la plus expérimentale », résume Bruno Pitard.

Qui ? De nombreuses biotechs se sont lancées sur cette technologie, par exemple Moderna Therapeutics, CureVac, ou encore BioNTech.

 

4)      Les vaccins à vecteurs viraux

Quoi ? Le vaccin à vecteur viral fonctionne selon le même mécanisme d’action que les vaccins à ARNm et les vaccins à ADN. La séquence codant les protéines virales est cependant acheminée à la cellule au moyen d’un vecteur viral, c’est-à-dire un virus modifié et conçu pour transporter la séquence. Ce mode d’action est également utilisé dans les thérapies géniques.

Les pour et contre : Par rapport aux vaccins à ARNm ou ADN, la réponse immunitaire pourrait être plus satisfaisante avec un vecteur viral. Mais le recours à cette technologie nécessite cependant de produire suffisamment de vecteurs pour pouvoir adresser le fragment à l’intérieur de la cellule. « Le vecteur viral ne va pas être neutre une fois injecté dans l’organisme et peut interférer avec le système immunitaire », remarque Bruno Pitard. Un élément qui peut poser problème en cas d’injections répétées avec un système immunitaire qui serait en mesure de neutraliser le vecteur et donc le vaccin. Cette technique nécessite par ailleurs une chaîne du froid renforcée.

Qui ? Le leader en la matière est le géant mondial J&J qui a annoncé développer un vaccin en s’appuyant sur cette technologie. J&J souhaite capitaliser sur ce principe du vecteur viral qu’il a utilisé pour un vaccin contre le virus Ebola et d’autres développements en cours sur le VIH ou Zika.

Commentaire de J Roche

Si les vaccins à ARN messager sont beaucoup étudiés, c’est qu’ils possèdent des avantages non négligeables. Premièrement, leur production à grande échelle et à faible coût ne pose pas de problème avec la technologie actuelle. Chaque dose vaccinale est extrêmement pure et ne contient que l’ARN d’intérêt encapsulé dans sa bulle lipidique et rien d’autre. Ils sont donc sûrs. Toutefois, la fragilité des ARN messagers est un handicap. Pfizer a annoncé que son vaccin devra être conservé à – 72° C ce qui pose d’évidents problèmes de logistique. Il sera alors impossible d’acheter son vaccin en avance et de le stocker au réfrigérateur avant la vaccination. On peut imaginer que les personnes devront se rendre dans des centres de vaccination capables de stocker dans l’azote liquide des grandes quantités d’unités vaccinales, et de réaliser l’injection dans un laps de temps assez restreint.

ANNEXE 2 « Les 11 vaccins en phase III des essais cliniques » (C.Aebberhardt et C Hecketsweiler » Le Monde du 15-16 novembre 2020)

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