La dernière épidémie virale vaincue par un vaccin remonte aux années 1950, quand la poliomyélite a provoqué des paralysies chez des enfants et de jeunes adultes. Son caractère épidémique avait été mis en évidence par le chirurgien lyonnais M. Cordier en 1888 qui avait réalisé une étude rétrospective (1). L’infection était inapparente trois fois sur quatre. Les enfants payaient un lourd tribut, avec des paralysies respiratoires mortelles dans 5 à 10% des cas et des paralysies séquellaires handicapant à vie des milliers de victimes. Les premiers services de réanimation avaient été créés à cette occasion en Scandinavie afin de faire bénéficier les patients de la ventilation artificielle. C’est le 2 octobre 1953 que fut pratiquée dans le service de Paul Sédaillan à l’Hôpital de la Croix-Rousse la première trachéotomie pour ventilation artificielle. Quatre étudiants en médecine de Lyon (Dejour, Prenat, Saint-Pierre et Giroud) se succèdent pour ventiler manuellement avec succès pendant 10 jours un patient atteint de paralysie respiratoire. Un second patient eut moins de chance, mais une deuxième épidémie en 1955 permit de conforter la méthode, d’autant que l’apparition des respirateurs (Engström en Suède, Rhône-Poulenc et Vincent-Jandot en France, et Dragër en Allemagne) en augmentera l’efficience. Sur les conseils de Paul Sédaillan, Maurice Giroud, infectiologue, ouvrit un service d’assistance respiratoire de 32 lits à l’Hôpital d’Instruction des Armées Desgenettes à Pâques 1961. Celui-ci accueillit jusqu’en 1964 les militaires rapatriés d’Afrique du Nord pour poliomyélite.
La crise COVID a généré une évolution similaire, avec les mêmes mécanismes de résilience reposant sur la réactivité des hôpitaux et des acteurs de santé, sur le renforcement de l’hygiène (les poliovirus sont principalement présents dans les selles mais aussi dans la gorge des personnes infectées) et, par-dessus tout, sur la vaccination. En France, la vaccination contre la poliomyélite est obligatoire depuis 1964. Le vaccin est très efficace et permet une protection dès la deuxième injection. Ceci a fait disparaître non pas le virus de la poliomyélite, mais la maladie en France et dans les pays dit « développés ».
Cette histoire est instructive pour prévoir les bienfaits de la vaccination anti-CoViD. Cette dernière, si elle est généralisée permettra à court terme, non pas de faire disparaître le virus, mais de protéger les populations de la maladie.
Docteur Bernard Massoubre, Biologiste médical
Pr Jean-Jacques Lehot, Anesthésiste-Réanimateur et Pr Émérite à l’Université Claude Bernard Lyon 1
Référence :
- http://www1.chu-montpellier.fr/fr/vaccination/histoire-des-epidemieset-de-la-vaccination/la-poliomyelite/